Session #3
En conversation à l’Entracte
[09/03/2023]
Après deux sessions à photographier Danilo en train de se mouvoir dans l’élément LEER, j’ai souhaité prendre du recul afin de mieux comprendre ce spectacle et ce qui anime son créateur. Dans le but de cadrer mon travail et de réussir à exploiter le potentiel narratif de certains de mes clichés, j’avais besoin de contexte et de réponses aux interrogations qui trottaient dans ma tête.
Dans la fraîcheur d’un jeudi après-midi de mars, Danilo et moi nous sommes donné rendez-vous pour un entretien à la brasserie « l’Entracte » à deux pas de l’Opéra Garnier.
Pendant près d’une heure, entre plusieurs bouchées d’une brioche perdue (Caramel beurre salé, chantilly maison) que je vous recommande, j’ai interrogé Danilo sur divers aspects de son œuvre. Nous avons parlé de son parcours, de ses influences ou encore de ses choix scénographiques. Cette conversation que j’ai enregistrée était primordiale pour aller chercher l’histoire derrière LEER les mots du dragon, et les fragments de cette histoire ont permis de nourrir les textes de cet essai.
À présent, je vous invite à découvrir les mots de Danilo sur son spectacle avec deux extraits non verbatim de la transcription de cet entretien.
1. À propos de LEER
LEER pour moi c’est avant tout l’avènement de ma réalisation d’artiste et c’est également un spectacle sur la vie de Bruce Lee, sur sa pensée, et sur son cheminement. C’est une nouvelle manière pour moi de me réaliser à travers lui.
C’est un spectacle très artisanal, hyper personnel, qui n’a de sens qu’à travers son temps, c’est-à-dire qu’il s’est fait parce qu’il y a un moment je me suis enfermé dans une salle et je me suis dit :« Bon Danilo, tu as des lettres, tu as des bouts de chorégraphies, mais c’est tout ce que tu as, donc, comment tu fais ? Tu montres quoi ? »
Et donc j’ai dû faire avec ce que j’avais, c’est-à-dire des lampes, des trucs et en fait, magiquement, il y a eu un moment où le fond et la forme se sont accordés. Je faisais avec ce que les salles me proposaient et c’était très bien. Ça a écrit un petit peu la forme de LEER et je retombais sur mes pattes parce que Bruce Lee s’est fait tout seul, il est parti de rien.
LEER, les trois premières lettres sont évidentes. C’est un mot-valise entre « Lee » de Bruce Lee et « Lear » du Roi Lear de Shakespeare qui n’est pas du tout une référence. Il y a un truc catchy dans le mot « lear », et dans le son Lear en français, il y a le mot lecture. « Lire » en français, c’est aussi le mot « leer » en espagnole. Voilà, et c’est aussi pour indiquer que je ne suis pas Bruce Lee. Mon spectacle ce n’est pas Bruce Lee, c’est une création à partir des lettres de Bruce Lee, donc dans LEER il y a Lee, mais le R rajoute aussi tout moi, tout le cheminement de la création.
2. Un artiste toujours en mouvement
Du karaté, j’en ai bien fait pendant 10 ans à un niveau assez élevé jusqu’au lycée.
Au fur et à mesure, j’ai perdu le truc, mais j’avais besoin des arts martiaux. Arrivé à la fac, j’ai cherché un club. J’ai fait quelques clubs de kung-fu, mais je n’ai jamais vraiment été convaincu et par hasard la capoeira m’est tombée dessus. J’en ai bien fait 3-4 ans et puis j’ai découvert l’acrobatie et le cirque au conservatoire. Il y a un moment où je faisais de l’acrobatie et de la capoeira.
Après ça, il y a eu la danse classique qui a vraiment été un gros chapitre de ma vie parce qu’en fait, je crois que je revenais à l’essence zéro du mouvement.
Ma sœur, via son association de danse, m’a invité à suivre un cours de danse classique dont je me souviendrais toute ma vie. Un mardi après-midi, j’ai essayé un cours de danse classique avec des petites mamies. J’ai trouvé ça exquis et j’en ai fait quatre ans.
Ensuite, il y a eu le flamenco, mais je ne l’ai pas tenu.
L’autre point avec Bruce Lee c’est que j’ai mal choisi mon personnage parce qu’il était tellement exigent avec lui même que je me dois d'élever mon niveau de danse, ça c'est clair et net.
Ça, c’est dur à faire parce que j’ai 40 ans. Il faut que j’aie du souffle et d’ailleurs, je suis vraiment encore loin, même si je fais des résidences de danse pour ça, je n’arrive toujours pas à toucher ce putain de mix entre les mots et le mouvement. Et dans le mouvement, il y a des trucs que je me suis donné à faire que je ne maîtrise pas encore. C’est pour ça que je me dis qu’en fait, LEER va vraiment être un spectacle sur la durée et peut être que je serai encore dedans dans 10 ans parce que chaque fois que je suis dans un nouveau lieu, je me dis : « je peux faire ci, je peux faire ça ». J’ai l’impression que le spectacle est toujours en mouvement et j’ai des objectifs que je veux atteindre parce que ça me plaît de devenir meilleur et ça me plaît de suivre un peu les pas du bonhomme. Il avait des aptitudes physiques inouïes, que peu de gens avaient et voilà, il s’est entraîné pour. J’aimerais que ça contamine le spectacle et que du coup Danilo devienne plus fort, meilleur combattant, meilleur danseur parce que oui, il fait un spectacle sur monsieur Bruce Lee.