Session #1
Mise en jambes
[10/02/2023]

Vendredi 10 février 2023. J’ai rendez-vous avec Danilo à 13 h à Digital Village, un lieu polymorphe situé aux abords de la place d’Italie à Paris. Je ne peux parler de LEER sans parler de ce lieu et de ce qu’il représente, à la fois pour ce spectacle, et pour Danilo. Digital Village c’est : un café ; un espace de coworking ; un coliving ; des salles privatives pour tout type d’événements dans lesquelles se déroulent des cours ainsi que des ateliers.

Depuis mai 2022, Danilo a fait de Digital Village un lieu de résidence. Il y effectue ses entraînements, répétitions, ainsi que des représentations de LEER. Depuis novembre 2022, Danilo travaille dans les locaux de Digitial Village en tant que conseiller numérique.

Danilo m’avait dit qu’il comptait répéter les textes et la chorégraphie de son spectacle en vue de le filmer le 13 février. Je me suis dit que cette séance pourrait être un bon point de départ.

À mon arrivée, nous avons pris un verre (non alcoolisé) au café, l’occasion pour nous de discuter un peu et pour moi, de commencer mon travail.

En dehors du fait qu’il y aurait des photos, ni Danilo, ni moi n’avions de vision claire et précise de ce que nous allions faire, de ce qui pourrait ressortir de cette première session et du format de cette collaboration. L’idée d’ajouter une autre dimension à travers le texte ne m’est venue que plus tard. Une bonne chose, car lorsque rien n’est figé, tout est possible.

Nous nous sommes ensuite rendus au sous-sol, où se trouvent plusieurs pièces privatives, dont la salle des fêtes où Danilo avait donné ses représentations de LEER. Il nous fallait choisir l’endroit où faire cette première session. Deux options s’offraient à nous : la salle des fêtes, qui ne dispose pas de fenêtres ; ou une salle plus petite, généralement utilisée pour des cours et ateliers. C’est vers cette dernière que notre choix s’est orienté pour une raison simple. Je travaille le plus souvent avec la lumière naturelle ou ambiante. LEER est un spectacle où la pénombre prédomine, car il n’est éclairé que par quelques ampoules et autres spots, des conditions d’éclairage qui mettent la prise de vue photographique à rude épreuve. Cette seconde pièce, avec ses fenêtres situées en hauteur, représentait un bon compromis entre le respect de l’obscurité présente dans le spectacle et le fait d’avoir suffisamment de lumière du jour pour les photos.

Danilo a commencé la séance par un échauffement afin que son corps se prépare aux différents mouvements de sa chorégraphie. Il s’est ensuite mis au travail, alternant entre les mouvements de bras, les mouvements des jambes, les déplacements et les pas de danse. Il laissa volontairement les acrobaties de côté pour cette séance.  


Mon travail a consisté à regarder son corps se mouvoir tout en étant à l’affût de ses gestes pour les capturer. Je ne lui ai pas demandé de poser, mais j’ai eu à lui demander de répéter, décomposer ou ralentir certains mouvements.

En me lançant dans ce projet, ma seule certitude était que mes photos seraient en noir et blanc. En dehors de ce choix, j’ai laissé l’expérimentation me guider. Pour la prise de vue, j’ai alterné entre mon reflex avec un objectif 24-70 mm et un appareil photo compact avec une focale équivalente à un objectif 28 mm. La plupart des photos réalisées avec le reflex ont été faites « dans les règles de l’art » : l’œil vissé au viseur optique. D’autres clichés, issus du compact, ont été le résultat d’une prise de vue instinctive, au juger, sans nécessairement regarder l’écran de mon appareil, comme je le fais souvent en photo de rue.

Si Danilo a passé un bon moment à réviser sa chorégraphie, le texte n’était pas en reste, car LEER repose en grande partie sur des écrits.

C’est autour de textes du livre Correspondre avec Bruce Lee — les lettres du dragon - Textes regroupés par John Little aux éditions Guy Trédaniel éditeur, que Danilo a construit sa pièce.

« En 2006, j’ai entendu, probablement sur France Inter, une émission sur les lettres de Bruce Lee. Je vais à la Fnac. Je chope le bouquin, je l’ai lu pendant le conservatoire. Quand je sors du conservatoire quelques années plus tard, j’ai commencé à jouer avec des compagnies et je me disais qu’il y’avait un moment où il fallait que je monte mon spectacle. La première idée que j’ai eue c’était d’adapter l’autobiographie de Keith Richards qui s’appelle Life. Je vais pour appeler les éditions Laffont un matin. Moi naïf je me dis : Oh !Comment on fait pour avoir les droits ? Au moment où je vais appeler, je ne sais pas pourquoi, j’ai un flash, je me rappelle du recueil des lettres de Bruce Lee. Là, je me dis : Eureka ! Mais comment je n’ai pas pu penser à ça avant ? Alors que je veux danser et jouer sur scène, Bruce Lee et ses arts martiaux me donnent le pont d’or rêvé entre la danse et le théâtre. Je me dis : mais putain il faut que je fasse ça ! »

C’est dans les 180 pages de ce recueil de correspondances et textes écrits de la main de Bruce Lee à ses proches que Danilo est parti puiser la matière littéraire nécessaire aux fondations de LEER les mots du Dragon. Méthodes d’entraînement ; philosophie ; vie quotidienne ; rêves, accomplissements ; ambitions ; échanges personnels avec ses proches ; ce livre est une plongée dans la vie de Lee Jun-fan. Danilo a d’abord étudié les lettres de ce recueil pour en faire une sélection. Lors de son spectacle, Danilo lit des lettres, textes en main, et en récite d’autres par cœur, tout en y apposant son jeu d’acteur.

Lors de cette session, il a choisi de revoir les lettres avec lesquelles il rencontrait le plus de difficultés, se concentrant tantôt sur la mémorisation des textes, tantôt sur la façon de les interpréter, me tendant parfois les feuilles pour que je puisse vérifier sa maîtrise des lettres, au mot près.  

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